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Portrait de O-zha-wa A-nung Kwe/Yellow Star Woman (Teddy Syrette). Conversation avec Teddy Syrette. Leader bispirituel.le et activiste pour la justice sociale
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Conversation avec Teddy Syrette, leader bispirituel.le et activiste pour la justice sociale : Favoriser l’inclusion par l’éducation et la solidarité

Le mois de juin coïncide avec deux célébrations importantes au Canada : Le Mois national de l’histoire autochtone et celui de la fierté. Ce mois-ci, comme tous les autres d’ailleurs, est l’occasion d’honorer et de reconnaître la longue histoire, le patrimoine, la résilience et la diversité des peuples autochtones, y compris les Premières Nations, les Inuits et les Métis. C’est aussi un bon moment pour célébrer et militer en faveur de la communauté 2SLGBTQIA+, qui comprend la communauté bispirituelle, un terme utilisé par les peuples autochtones pour décrire les personnes qui incarnent l’esprit des hommes et des femmes.

Teddy Syrette (en anglais seulement), Ozhawa Anung Kwe/Yellow Star Woman (iel), est une personne bispirituelle anichinabée et experte en santé mentale de la réserve Rankin de Batchewana. Titulaire d’un diplôme en service social – spécialisation autochtone du Collège Sault, iel milite activement pour les droits des Autochtones et de la communauté 2SLGBTQIA+, où sa réputation n’est plus à faire. Figure influente de la communauté et leader d’opinion, Teddy a offert ses connaissances et son expertise à de nombreux auditoires, notamment en s’adressant aux enfants dans les écoles de la région de Sault-Sainte-Marie et en animant des ateliers pour la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario en plus d’être panéliste lors d’un rassemblement sur les connaissances traditionnelles autochtones au Collège Humber.

Grâce aux récits et à des anecdotes personnelles, Teddy explique l’histoire et l’importance du terme « bispirituel.le ». Iel partage ses connaissances et présente des ressources essentielles pour favoriser une culture en milieu de travail plus inclusive et respectueuse pour les personnes s’identifiant comme 2SLGBTQIA+.

Embrasser la bispiritualité : le parcours de Teddy

Teddy souligne qu’au fil du temps, bien que la parole au sujet de la diversité des genres et de l’orientation sexuelle du point de vue des Premières Nations ou des Autochtones se soit libérée, la compréhension et l’acceptation de la bispiritualité, pour leur part, rencontrent parfois des embûches.

« J’ai été victime d’intimidation quand j’étais enfant parce que ma différence par rapport aux autres était trop marquée. Mon apparence féminine était assez visible pour que mes pairs et certains membres de ma famille m’interpellent de façon désobligeante. À l’extérieur de la maison, la couleur de ma peau était assez foncée pour qu’on me traite différemment, raconte Teddy. L’intimidation constante et régulière, surtout à un jeune âge, finit par reprogrammer tout l’être.. Cela se traduit par un déclin de la santé mentale et émotionnelle et une augmentation de l’isolement social. » Teddy ajoute : « cela a eu une incidence sur ma santé physique à l’adolescence, ce qui m’a amené à entreprendre un parcours continu de soins et de mieux-être ».

« J’ai commencé à faire du théâtre quand j’avais 15 ans, dit Teddy. Raconter des histoires, écrire, [cela] m’a vraiment aidé à me trouver, à affirmer qui j’étais. »

[Puis,] dans ma vingtaine, je faisais la narration d’un spectacle de théâtre autochtone à Garden River, en Ontario. On m’a demandé si mon personnage était un homme ou une femme et je ne savais pas quoi répondre, raconte Teddy. La productrice m’a parlé de ce mot : bispirituel.le. Elle m’a expliqué que ce terme était plus inclusif et complet et m’a suggéré de m’y intéresser davantage. »

Le terme « bispirituel.le » a été créé par l’Aînée Myra Laramee (en anglais seulement) en 1990. « [Cela] signifie avoir un équilibre entre sa masculinité et sa féminité. Dans les enseignements anichinabés, tous les êtres vivants et toutes les choses accueillent un esprit, et, dans cet esprit, il y a une partie masculine et une partie féminine, explique Teddy. Au sens plus profond, être bispirituel.le signifie est d’être en lien avec soi-même, avec la communauté et avec le Créateur. Dans les histoires et les enseignements précédents sur les rôles des personnes bispirituelles, bon nombre d’entre elles étaient des chefs de cérémonie, des gardiens du savoir, des aînés ou des guérisseurs. »

Demander de l’aide

En soulignant l’importance de la valeur personnelle, en tant que sage et porte-parole de nombreuses personnes, Teddy transmet ses valeurs et la nécessité d’aider les personnes dans le besoin. « Lorsque d’autres viennent me confier leurs difficultés ou leurs questionnements liés à leur identité, je leur parle d’un enseignement que j’ai reçu lorsque j’étais à l’école primaire : le Créateur ne fait pas de la camelote. Le Créateur nous procure une raison d’être, nous gratifie de dons qui nous rendent uniques, et c’est ce qui nous différencie des autres, explique Teddy. Le Créateur nous donne aussi des aides en cours de route, et nous ne savons pas qui elles sont jusqu’à ce que nous les trouvions, ou que nous leur demandions leur appui. »

Les aides « peuvent être des parents, des grands-parents, des membres de la famille. Je leur rappelle que l’aide peut aussi venir de la famille que l’on a choisie : travailleurs sociaux, les enseignantes personnel infirmier, les chefs, les membres du conseil et les aîné.e.s. Peu importe leurs différences ou leur histoire, ces personnes seront là pour vous aider et vous comprendre. Lorsque vous demandez de l’aide, il est possible que vous vous rendiez compte que vous avez besoin de plus de conseils, et vous pouvez toujours faire appel à d’autres personnes. »

Teddy nous rappelle également que:

  • pour une personne 2SLGBTQIA+, avoir un.e allié.e ou une personne à qui affirmer son identité, c’est une preuve d’amour.
  • faire preuve de gentillesse de manière régulière permet de réduire les risques et de soutenir la prévention du suicide; et
  • il est important de faire preuve de bienveillance envers soi-même durant cette démarche. Il faut faire preuve de bienveillance lorsqu’on tentede désapprendre des notions sur le genre ou de déconstruire des croyances sur autrui.

L’importance de l’éducation

Teddy discute fréquemment avec des enfants et des jeunes au sujet de l’identité de genre et transmet les leçons apprises, ainsi que l’accueil que les enfants réservent à ses paroles.

« Comme je m’identifie comme étant bispirituel.le et fluide sur le plan du genre, la façon dont j’exprime mon identité semble différente chaque jour, dit Teddy. Certains jours, je porte des jupes à rubans, du maquillage ou des bijoux. D’autres jours, c’est une jupe ou un chandail, pas de maquillage et une boucle d’oreille. Ces petites choses sont de bons brise-glaces, surtout lorsqu’on travaille avec des jeunes et des enfants. Quand je parle avec des enfants, je les vois regarder ma jupe et je leur demande : « Combien de personnes se demandent pourquoi ce gars est en robe? » et toutes les petites mains se lèvent. Ensuite, je leur parle de mon nom et je leur demande ce qu’ils pensent de la bispiritualité. » Teddy affirme qu’il est « important d’avoir ce petit enseignement au tout début des discussions ».

En entreprise, Teddy recommande quelques stratégies afin de favoriser l’éducation et promouvoir un milieu de travail plus inclusif et respectueux pour le personnel et les collègues 2SLGBTQIA+ :

  • Explorer activement les occasions de formation professionnelle, telles que les conférences ou les rassemblements, et en faire la promotion. Ces occasions devraient inclure des personnes alliées ou des membres de la communauté 2SLGBTQIA+.
  • Participer à des cérémonies, recevoir des soins adaptés à la culture ou consulter des aîné.e.s. Cette disposition devrait aussi s’appliquer aux pairs et au personnel 2SLGBTQIA+ en leur permettant de participer à une conférence ou à un événement de la fierté en tant que personnes déléguées.
  • Transmettre les ressources et la formation découlant des événements en milieu de travail.
  • Élaborer des procédures et des politiques en milieu de travail et sensibiliser le personnel au droit à la protection.

Teddy souligne que le fait d’apposer une affiche en milieu de travail ou d’inclure des noms et des pronoms dans une signature de courriel ne signifie pas que tout le monde est au courant. La formation pour tous est essentielle.

Pour aider les personnes qui s’informent au sujet de la transition ou qui y songent durant leurs heures de travail, Teddy affirme que les employeurs devraient « fournir une communication claire décrivant tous les soutiens disponibles, y compris les congés et, s’il y a lieu, les avantages sociaux et ce qui peut être couvert par l’assurance ».

Être une personne alliée

En ce qui concerne l’alliance, Teddy ajoute qu’une « relation d’allié.e n’est pas un titre que vous vous donnez vous-même. C’est un titre qui vous est donné par la communauté que vous défendez et à laquelle vous apportez votre soutien. Ce type de relation n’est pas un titre que vous mettez sur un macaron ou une affiche dans votre emploi de 9 à 5. »

Teddy fait remarquer que c’est un choix pour les personnes allié.e.s de s’engager dans ce travail chaque jour, alors que les personnes qui s’identifient comme queer, trans, autochtones ou comme personnes de couleur n’ont pas le privilège de se désengager de leur identité. De plus, Teddy insiste sur la nécessité pour les personnes alliées d’accepter l’inconfort, car la véritable alliance consiste à prendre des risques au nom des autres, tant en leur présence qu’en leur absence. C’est pendant ces moments que l’authenticité de la défense des droits est vraiment mise à l’épreuve et démontrée.

 

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À propos de Teddy Syrette

O-zha-wa A-nung Kwe/Yellow Star Woman (Teddy Syrette) vient de la réserve Rankin de la Première Nation Bat-che-wana des Anichinabek, et vit actuellement à Sault-Sainte-Marie (Ontario). Artiste et drag queen, Ozhawa donne des conférences, organise des événements et fait la promotion de la communauté. En 2021, iel a reçu le titre de guerrier.ère international.e bispirituel.le. En 2023, la Chambre de commerce de Sault-Sainte-Marie lui a décerné le prix de professionnel.le autochtone de l’année. Depuis 2022, iel a organisé et animé plusieurs spectacles de drag queens sous le nom de Bette U. Wanna de Batchewana. Teddy a fondé Two-Spirit Anishnabe Storytelling & Advocacy (Récits sur les personnes anichinabées bispirituelles et défense de leurs intérêts) et en est propriétaire unique. Iel est aussi membre fondateur.rice de Two-Spirit Organising Committee of Bawating (Comité d’organisation bispirituel de Bawating).

En savoir plus sur Teddy (en anglais seulement)

Pour en savoir plus sur la promotion de l’inclusion : 

Ressources connexes de l’Ordre :

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