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Image de Cecil E. Isaac Jr. À droite, on lit : Conversation avec Cecil E. Isaac Jr. Membre du Mshiikenh indoodem (Clan de la Tortue)
Connexions

Préserver un mode de vie

Juin est le Mois national de l’histoire autochtone, une occasion de reconnaître et de célébrer la richesse de l’histoire, des traditions et la diversité des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada. C’est aussi un moment pour rendre hommage aux parcours, aux contributions et à la résilience des peuples autochtones.

Dans le domaine de l’éducation de la petite enfance, les programmes postsecondaires qui collaborent avec des établissements autochtones offrent des diplômes d’EPE intégrant les savoirs culturels, les valeurs, les traditions et la vie communautaire autochtones à leur programme d’études.

L’un de ces établissements est l’Institut technique des Premières Nations (ITPN, en anglais seulement), un établissement d’enseignement postsecondaire détenu et dirigé par des Autochtones. Il offre un programme d’EPE en partenariat avec le Collège Canadore. 

Cecil E. Isaac Jr, originaire du Mshiikenh indoodem (Clan de la Tortue), est conseiller culturel à l’ITPN. Il a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre des résultats d’apprentissage autochtones dans le cadre d’enseignement de l’Institut.

Né à Chatham, en Ontario, Cecil a grandi sur le territoire de Bkejwanong, sur l’île de Walpole en Ontario. Il descend d’une lignée porteuse de riches enseignements culturels, qui a survécu à l’époque des pensionnats. Il a joué un rôle important dans la revitalisation des cérémonies au sein de sa famille et de sa communauté. Nous avons rencontré Cecil afin d’en apprendre davantage sur les valeurs autochtones, ainsi que sur son expérience du partage de la sagesse et des savoirs culturels avec les étudiants en EPE de l’Institut et les jeunes enfants de la communauté.

Note aux lecteurs : Conscients de la richesse et de la diversité des histoires, des langues, des pratiques culturelles et des croyances spirituelles propres aux différents peuples autochtones, nous reconnaissons que ce qui suit ne vise pas à représenter l’ensemble des savoirs et des façons d’être autochtones.

Résultats d’apprentissage autochtones (RAA)  

Créés par le conseil Negahneewin, les résultats d’apprentissage autochtones (RAA – en anglais seulement) permettent d’intégrer les savoirs autochtones dans les programmes d’études des collèges et établissements, y compris l’ITPN et son programme d’EPE. Sept RAA prévoient notamment que chaque diplômé pourra : analyser les répercussions du colonialisme sur les communautés autochtones; expliquer la relation entre la terre et l’identité au sein des sociétés autochtones; élaborer des stratégies pour concilier les relations autochtones et canadiennes; analyser le racisme envers les peuples autochtones; formuler des approches pour mobiliser les partenaires communautaires autochtones. 

« Les RAA veillent à ce que les modes de vie autochtones soient transmis aux personnes les plus impressionnables – nos tout-petits, nos nouveau-nés – et à souligner l’importance de comprendre ces aspects culturels, explique Cecil. Ils ont été mis en place pour approfondir la culture autochtone : les paquets sacrés, les enseignements, les modes de vie. »

L’éducation comme remède

L’éducation est un puissant outil de guérison. Lorsqu’elle est ancrée dans les savoirs autochtones, elle permet aux peuples autochtones de se réapproprier la sagesse de leurs ancêtres, de raviver leur langue, d’aborder les traumatismes historiques, de favoriser la compréhension de la réconciliation et de nourrir la fierté de leur identité autochtone.

« L’éducation guérit. L’éducation c’est l’amour, et l’amour est l’une de nos valeurs, un enseignement transmis par nos aînés, explique Cecil. Si l’on considère l’éducation comme une forme d’amour et de guérison, alors on peut dire que l’éducation est un remède et donc que les éducateurs sont, eux aussi, des remèdes pour les jeunes. Nos petits sont notre avenir, et il est très important de permettre à nos petits esprits de s’impliquer ».

L’approche pédagogique autochtone adopte une vision holistique, nourrissant le corps, l’esprit, le cœur et l’âme de chaque apprenant. Au sein du programme d’EPE en deux ans offert par l’ITPN, les cours peuvent débuter, par exemple, par une cérémonie de purification ou une cérémonie du tambour, animée par un gardien du savoir. Chaque semestre, les étudiants participent à des activités culturelles, telles que la cérémonie du hochet ou des cérémonies de lâcher-prise, guidés par des conseillers culturels comme Cecil. Ces expériences permettent aux étudiants en EPE de comprendre la signification de chaque rituel et son importance pour les enfants dont ils s’occuperont au sein de leur communauté.

Cecil fait référence à la roue médicinale pour illustrer cette approche holistique de l’éducation. « On peut se concentrer sur l’aspect mental et émotionnel de la roue, ou sur l’aspect physique. Mais qu’en est-il de notre spiritualité? soulève-t-il. Ma question ne concerne pas la religion, mais bien la spiritualité, car c’est elle, la véritable médecine. Mentale, émotionnelle, physique, spirituelle », précise-t-il.

Crédit photo : Ojibway Medicine Wheel Teaching | Indigenous Domestic Violence Committee (en anglais seulement)

 

Contes et récits

Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont une longue et riche tradition de partage d’histoires et de transmission de connaissances par le biais de contes et récits. Grâce à la narration, les aînés et les gardiens du savoir contribuent à préserver l’histoire, les traditions et la sagesse de leurs cultures. Ils contribuent à maintenir les liens spirituels et à renforcer la relation avec la terre et la communauté. Les récits sont également au cœur des expériences culturelles, telles que les danses et les cérémonies. Dans un contexte d’apprentissage, qu’il s’agisse d’étudiants en EPE ou d’enfants en services de garde, le conte constitue un outil essentiel. Il permet la transmission des savoirs et des modes de connaissance autochtones d’une génération à l’autre.

Comme les élèves de l’Institut sont issus de toutes les cultures autochtones, le personnel enseignant veille à créer un espace où la narration a sa place pour tous. Les conseillers culturels et les formateurs partagent des récits issus de leurs propres traditions, enracinés dans leurs façons culturelles de connaître et d’être. Ils encouragent également les étudiants à transmettre leurs propres histoires, expériences et enseignements.

Apprentissage inspiré de la terre : MOI (Terre Mère)

La terre est sacrée et porte une signification profonde, car elle incarne un lien avec l’identité, la communauté, le passé, le présent et l’avenir. L’apprentissage inspiré de la terre dépasse largement le cadre de l’éducation en plein air. Il valorise les visions du monde et les savoirs autochtones tout en en reconnaissant l’interconnexion de toute vie et l’importance de la terre dans l’existence humaine. La terre est au cœur des enseignements autochtones.

« Notre façon d’agir, notre manière d’être autochtone, est fondamentale – la terre est un pouvoir. Et elle nous donne la force d’accomplir beaucoup de choses, déclare Cecil. Réfléchir à ce qui vient de la terre – c’est reconnaître que tout en découle! »

En tant que conseiller culturel et à titre d’Aîné, lorsque Cecil demande aux enfants « qui ils sont », il s’agit d’établir un lien entre eux et la terre. Il leur demande de se questionner : 

  • D’où je viens? Pas ton adresse…
  • Qui suis-je?  Pas ton nom, mais qui tu es.
  • Quel est mon but? Il y a un but pour toute chose et pour tout le monde.
  • Où vais-je?

« C’est comme préserver quelque chose avec lequel nous avons marché. Pendant notre promenade, nous avons ramassé un morceau de bois flotté, puis nous l’avons rapporté en posant la question : À quoi cela vous fait-il penser? C’est ça, l’éducation axée sur la terre. Tu te souviens du chêne sous lequel nous nous trouvions? Ensuite, tu en dessines l’image. Et cela devient le tien. On ne lit pas simplement ce qui se passe, on l’observe et on se dit : wow, quel apprentissage vous avez là, dit Cecil. Quand ils sont capables de dire qui ils sont, de raconter l’histoire de leurs origines, ce qu’ils font ici et ce qu’ils souhaitent accomplir – tout cela, alors qu’ils sont assis en cercle –, nous partageons quelque chose dans nos discussions. Et cela ne se trouve pas dans un livre. »

Établir des relations : la famille, c’est la communauté

Les relations sont au cœur de toutes les cultures autochtones. La notion de famille va bien au-delà de « maman, papa, frère, sœur ». Elle inclut les aînés, les grands-mères et les grands-pères, les tantes et oncles, ainsi que les cousins et voisins. Chacun joue un rôle dans le bien-être et l’éducation des enfants. Ces relations s’établissent dès la naissance et englobent l’ensemble des liens avec la Terre mère – qui nous nourrit et dont nous devons prendre soin en retour – qu’il s’agisse de la terre, de la nature, des animaux, de la famille ou de la communauté. Dans les traditions autochtones, on dit que l’esprit de l’enfant choisit ses parents avant même d’entrer dans le ventre de sa mère.

« Les grands-mères et les grands-pères, les tantes et les oncles qui s’engagent bénévolement, c’est bien plus qu’un simple service. C’est le lien que nous tissons avec la communauté, explique Cecil. Peut-être devrions-nous commencer à voir ces petits comme des êtres humains, des adultes en devenir. Ils représentent notre avenir. Nous avons une responsabilité envers eux. Il faut un village pour élever un enfant. Il faut toute une nation pour bâtir une communauté. »

En savoir plus : Comment les EPEI peuvent prendre conscience des savoirs et cultures autochtones et mieux les comprendre

L’apprentissage de la culture autochtone exige du respect, de la transparence, une volonté de nouer des relations ainsi qu’un engagement à les faire croître progressivement. Chaque communauté autochtone possède un lien unique avec sa terre, ses aînés et sa sagesse ancestrale, qui façonne son identité.

S’engager de manière significative, c’est avant tout écouter, collaborer à des initiatives et veiller à ce que les visions autochtones soient reconnues et valorisées.

Erin Moe, doyenne académique des programmes de partenariat à l’ITPN, et Jennifer Davis, professeure adjointe à l’Université Queen’s, ont formulé les recommandations suivantes sur la manière dont les communautés autochtones peuvent promouvoir leur compréhension de leur culture et bâtir des relations :

  • Les EPEI sont encouragés à se familiariser avec les communautés autochtones locales et à entrer en relation avec les familles autochtones de leur centre afin de leur demander si elles souhaitent partager leurs connaissances, leurs perspectives et leurs enseignements avec le personnel et les apprenants.
  • Établir des liens avec ces communautés locales demande du temps et des efforts. S’engager auprès des gardiens du savoir en établissant des liens avec les organismes autochtones locaux peut faciliter l’accès à des occasions de formation par le biais d’ateliers et de programmes.
  • Les EPEI sont encouragés à participer activement aux événements locaux, tels que les pow-wow, ou à des activités, telles que les cours de perlage et de langue, afin de commencer à favoriser les relations avec les centres autochtones voisins. Il est important de noter que de nombreux centres locaux ne sont pas exclusivement accessibles aux membres des communautés autochtones.

Le voyage commence par une prise de conscience de soi et une véritable volonté d’écoute et à d’apprentissage.

 

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Remerciements

L’Ordre tient à remercier Cecil E. Isaac Jr, conseiller culturel aux programmes partenaires à l’Institut technique des Premières Nations; Erin Moe, doyenne académique des programmes partenaires à l’Institut technique des Premières Nations; Dre Jennifer Davis(en anglais seulement), professeure adjointe à l’Université Queen’s, et Aînée Deb St Amant (en anglais seulement), aînée-résidente à l’Université Queen’s, qui ont généreusement partagé leur temps, leur expertise et leurs expériences. Leur contribution a grandement enrichi notre compréhension des savoirs autochtones et de leurs manières d’être.

Ressources supplémentaires (en anglais seulement)

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