Cette série relate les expériences d’EPEI pour s’adapter en temps de pandémie.
Nous avons interrogé Tasha Palmer EPEI, directrice du Jean Tweed Child Development Centre situé à Etobicoke, dans l’ouest de Toronto. Même si le centre de garde d’enfants est fermé en raison de la pandémie de COVID-19, l’entreprise dans son ensemble – le Jean Tweed Centre – reste ouverte, car désignée comme un service essentiel. Tasha décrit la situation professionnelle unique dans laquelle elle se trouve.
Q : Comment la COVID-19 a-t-elle influencé vos fonctions, vos relations professionnelles et votre milieu de travail?
A : Aujourd’hui, j’aide les familles virtuellement, que ce soit par téléphone ou grâce au service RTO (Réseau Télémédecine Ontario).
Je soutiens des clients qui ont des enfants. Toutefois, certains d’entre eux n’en ont peut-être pas la garde. Ces clients mettent en place des approches visant à réduire les risques associés à la consommation de drogue. Une grande partie de leur plan de protection et de leur réseau sont des organisations communautaires comme les centres de garde d’enfants, mais ces clients ne peuvent pas accéder à nos services comme ils le feraient normalement. Beaucoup d’entre eux sont en prise avec des difficultés et essaient d’accéder au plus grand nombre possible de services virtuels pour assurer leur propre sécurité et celle de leurs enfants.
Q : La pratique, en ce moment, consiste à se soutenir mutuellement et à protéger notre santé ainsi que celle de nos familles et de nos communautés. Comment vous sentez-vous?
A : Pour être honnête, je suis un peu stressée. L’inconnu est un plutôt effrayant. C’est difficile de ne pas savoir quoi dire aux familles lorsqu’elles demandent quand elles pourront revenir au centre – j’ai tellement envie de leur donner une réponse.
Q : Pendant cette période d’isolement et d’incertitude, que trouvez-vous utile pour favoriser votre santé physique, mentale et émotionnelle?
A : J’essaie de rester ancrée dans le présent. Je rattrape les choses que je n’ai jamais eu le temps de faire, comme le rangement des armoires et du fameux tiroir « fourre-tout ». J’ai aussi expérimenté différentes recettes et demandé à ma famille de toutes les tester.
Je m’assure aussi d’avoir du « temps pour moi ». Je pense qu’il est vraiment important d’avoir du temps libre pour me remettre les idées en place et me concentrer.
Q : Les rapports humains sont au cœur de notre profession. Comment entretenir des relations collaboratives?
A : Il est tellement essentiel de maintenir les liens. Avec les EPEI du centre de développement de l’enfant, nous communiquons régulièrement pour discuter des projets sur lesquels nous travaillons, et aussi pour vérifier si tout va bien. Nous communiquons par téléphone, par texto et par Zoom. Avec mes autres collègues du centre, nous avons une réunion hebdomadaire via le RTO pour parler de notre situation personnelle et professionnelle.
Nous essayons également de maintenir les réunions que nous avions prévues avant la crise. Quant aux enfants et aux familles, je suis en contact avec certains chaque semaine, d’autres chaque jour. Tout dépend de leurs besoins.
J’ai eu des étudiants en formation initiale qui devaient commencer leur stage en mai. Je continue à avoir des entretiens avec eux, et une fois que ces stages commenceront, nous travaillerons ensemble à distance.
Q : Quels défis avez-vous rencontrés pour nouer des relations et favoriser la collaboration en cette période d’éloignement physique?
A : Je trouve difficile de m’engager auprès des familles avec lesquelles nous travaillons. Une grande partie de notre travail est tellement concret qu’il est difficile de les soutenir à distance.
Beaucoup de familles avec lesquelles je travaille ont l’habitude de venir au centre pour voir un visage amical, pour s’exprimer, pour obtenir des conseils, pour accomplir des tâches (comme envoyer des télécopies, photocopier, imprimer des documents) ou pour avoir une conversation d’adulte. C’est beaucoup plus difficile maintenant, parce que j’entends le stress et l’inquiétude dans la voix des parents, et parfois, je me sens impuissante. J’ai l’habitude de résoudre les problèmes avec eux et de leur donner du matériel concret. C’est juste tellement différent.
Q : Pouvez-vous partager quelque chose de positif sur votre expérience des nouveaux modes de communication ou des nouvelles pratiques?
A : Le premier jour où j’ai rencontré le personnel de divers centres sur le RTO, nous étions tous si heureux de nous voir. On se faisait des signes de la main et on criait. Le pouvoir de la communication virtuelle était si fort! Nous nous sommes sentis comme des adolescents à rire et à ricaner comme ça. Nous n’avons pas beaucoup travaillé lors de cet appel… Nous avions besoin de respirer et de revoir le visage des autres.
Q : Quelques mots pour conclure à l’intention des autres EPEI? A : Contactez vos amis, vos collègues ou toute autre personne dont vous avez besoin pour obtenir du soutien. Nous vivons tous des émotions que nous n’avons peut-être jamais vécues auparavant, et c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est de vivre ces sentiments seul et de se sentir isolé.